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100 facettes... sans façons!
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22 juillet 2007

Voyage au pays des odeurs

Je suis retournée encore une fois dans cette partie du Québec qui m’a vu grandir.

Cette région, je ne l’ai jamais habitée, mais presque toute ma famille (rapprochée et éloignée) l’habite.

C’est le seul coin de mon pays qui soit immuable, qui, malgré ses transformations, ne change pas. C’est mon port d’ancrage, ma stabilité, mon réconfort. Je m’y sens familière tout en y étant une parfaite étrangère. Je connais ses histoires d’horreurs, ses coups d’éclats et jamais je n’en fait partie, autrement que comme spectatrice, observatrice des vies qui s’y déroulent et s’entrechoquent. C’est le village où mes grands-parents ont décidé de s’installer, où mes parents se sont rencontrés, où mes oncles ont prospérés. Ce n’est pas un beau village, il n’a rien d’une carte postale, mais la seule vue de la pancarte sur l’autoroute annonçant son nom me fait éclater de rire. La campagne qui l’entoure a résonnée des mes cris d’enfant et ses champs portent encore les traces de mes pas.

Je ne l’ai jamais habitée mais pourtant cette patrie m’habite, c’est toute mon enfance qui se blottit au creux de ses vallons.

J’y suis donc retournée. Et j’ai retrouvé les odeurs de mon enfance, celles qui nous font palpiter les narines et inspirer profondément, à la recherche des souvenirs qui s’y cachent.

Il y a tout d’abord eu, sur l’autoroute, l’odeur profonde de la verdure. Cette odeur lourde, mélange de terre noire et de fleurs sauvages, de sève et de soleil qui réchauffe les plantations. Le nez en l’air, je me suis repue de cette odeur capiteuse, pourtant fraîche et vivifiante comme une cascade d’eau claire, si différente de celle, plus humide et plus chargée, de la ville que nous venions de quitter, il y a une heure à peine.

Ensuite, il y a eu l’odeur d’after-shave sur la joue de mon père. Cette incomparable odeur qui, malgré les parfums qui passent, garde toujours une note boisée de chêne, semblable à celui qui la porte; solide comme le roc mais la tête toujours en mouvement, se balançant continuellement, semant ses fruits à tout vent. Fruits dont les écureuils qu’il accueille en son creux se nourrissent et qu’ils apprécient comme le plus grand des festins.

Quittant la demeure paternelle pour quelques heures, je me suis ensuite payé une escapade jusqu’au Sanctuaire de mon enfance. Je suis remonté jusqu’au Saint des Saints de mes souvenirs. En ce lieu où j’ai passé tant et tant de dimanches, avec les cousins et cousines à courir de bas en haut de la butte. En ce lieu où nos parents peinaient à combler la panse des pèlerins. En ce lieu où ma grand-mère, à coup de tapettes amoureuses sur les fesses et de tarte aux œufs, a gagné sa vie à l’eau (bénite) de son front. En ce lieu où nous nous sentions les rois du monde, en ce temps où le bout du monde était aussi loin que nos regards puissent se poser (c’est à dire de l’autre côté de la vallée verte et ocre que nous surplombions) j’ai retrouvé des odeurs que j’avais oubliées. Odeur de cire fondue, odeur de cire à bois qui s’allient pour me rappeler que jadis - moi la valkyrie n’ayant peur de rien, suivant les garçons dans leurs jeux stupides autant que les filles dans leur monde imaginaire, les jambes couvertes de bleus, les mains noires de terre - ma seule préoccupation était de savoir si Grand-Maman m’avait gardé des « peanuts » pour que je puisse nourrir les écureuils.

Et de voir mes garçons à moi, sortir des sentiers parfaitement tracés du chemin de croix pour aller explorer les choses merveilleuses qui les attendaient autour m’a fait retrouver une parcelle de cette enfance envolée. Leurs pas confiants sur la mousse verte, le tapis de feuilles mortes et d’épines de pin m’a rappelé comment il est facile parfois de s’écarter de la voie que d’autres ont tracé d’avance et que les découvertes que l’on peut y faire sont aussi merveilleuses et simples qu’un caillou tout rond et lisse comme un œuf, et qu’il suffit parfois de s’abandonner au rythme de nos pas et de faire confiance à nos pieds pour qu’ils nous guident à travers notre propre voie.

Puis est venue l’odeur de lavande. Celle qui pousse sur la terre patiemment retournée par ma Mouman. Celle qui parfume les gardes-robes de la suite royale qu’elle a aménagée avec amour (et un maudit gros budget!) pour nous, sans oublier personne. La lavande qu’elle a ajoutée au bain de ses petits-fils, afin de les faire relaxer avant qu’ils n’aillent s’endormir au creux de cette maison, toute faite de rideaux et de coussins, pensée expressément pour eux et leur imagination débordante, maison dédiée à accueillir leurs histoires inventées et celles que nous leur lisons le soir, blottis au creux de leurs petits bras.

Et finalement, comment oublier cette sublime odeur de zoeufs pourris, émanant de la première paire de fesses à laquelle j’ai changé des couches? Ces fesses, que j’ai vu grossir, s’allonger, et s’orner de poils noirs frisés? Les fesses du premier homme de ma vie, celles de TiFraire@Facettes qui ont exhalé durant tout notre séjour des remugles dignes des égouts de Calcutta, nous plongeant parfois, sa tendre moitié Doudoune@Facettes et moi, dans des nuages suffocants de pestilence anale. Même cette odeur a ravivé, par les fous rire incontrôlables qu’elle a provoqué, les souvenirs de ces innombrables soirées où, encore des jeunôts, TiFraire@Facettes et moi nous nous racontions des histoires drôles à faire s’esclaffer le plus ascète des pères Franciscain et où, étouffant nos rires derrières nos mains pour ne pas réveiller la maisonnée, nous refaisions le monde ou tout simplement les événements de la journée en l’agrémentant de notre imaginaire complètement tordu. Le moindre bruit corporel se transformait alors en point d’exclamation final à une nouvelle pseudo-théorie sur le genre humain du style : « pourquoi quand quelqu’un pète, on ne peut pas s’empêcher, même si on sait que ça va nécessairement puer, à renifler et à sentir avant de s’exclamer : Ouach! Mais-tu pues donc ben! ».

Oui, les odeurs font partie de nous, de nos souvenirs. Elles sont le sel qui parsème notre psyché et nos réactions face à celles-ci me rappellent toujours que dans le fond, nous sommes des mammifères qui retrouvent leur foyer par les arômes qu’il dégage, comme des empreintes laissées dans notre mémoire qui nous aident parfois à retrouver notre chemin vers qui nous sommes vraiment.

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Commentaires
É
Très beau texte, très touchant, notamment à cause de cette idée de la filiation...espérons que les petits Facettes auront d'aussi bons et aussi vibrants souvenirs que les tiens.
P
L'after-shave du papa... C'est bizarre, mais ça me fait le même effet quand je le sens! <br /> <br /> (ben naon, je ne parles pas du pete, lol!) ;-P
100 facettes... sans façons!
  • Combien de personnalité(s) peut-on avoir? Drôleries et coups de gueule d’une femme-de-carrière-supermaman-bombe-à-ses-heures-tentativement-comique-qui-rêve-de-réussir-sa-vie-en-étant-heureuse…ou serait-ce le contraire? Une tentative-de-femme-de-carrière-qu
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